Langage, parole, discours

Le langage, la parole, et le discours, sont des structures signifiantes.

Le langage apporte des mécanismes de structuration, tandis que la parole et le discours incarnent le support explicite des échanges humains, et déclenchent ainsi les fonctions de communication.

Sans le terreau du langage qui leur sert de fondation, c’est-à-dire sans les mécanismes de structuration apportés par celui-ci, la parole et le discours dont nous parlons ici ne pourraient pas éclore. Pourtant, cela ne rendrait pas la communication ni les sociétés d’individus impossibles. L’instinct serait suffisant pour y pourvoir : par exemple, les « langages des abeilles ou des fourmis » sont des outils de communication très efficaces, mais ils sont à base de signes et n’ont pas besoin du signifiant, car ils sont codés à l’avance par l’instinct. À l’inverse, la parole et le discours des sujets humains s’adossent à des maniements de signifiants qui ne sont pas réductibles à des automatismes. Le comportement humain dans la société ne se décrit pas selon un mode stimulus-réponse ; par conséquent, les « schémas » codifiés par les théories de la communication sont insuffisants pour modéliser les relations humaines telles qu’elles sont orchestrées par la parole et le discours en tant que structures signifiantes.

Parole

La parole porte une chaîne signifiante. Comme outil véhiculaire du langage, elle occupe un rôle de médiation privilégié. Les signifiants de la parole sont ceux de la structure langagière, et ils profitent de la combinatoire des mécanismes du langage : la parole manipule les signifiants en accentuant les ambiguïtés ou les tromperies. Par exemple, la parole maintient l’équivoque dans les jeux de mots ou bien dans les glissements de sens, alors que l’écrit fixe les incertitudes en montrant la grammaire. De même, la parole ne dévoile pas les fautes d’orthographe, alors qu’à l’écrit elles sautent aux yeux.

« Se taire est aussi un acte » dans la structure signifiante. Puisque les signifiants ne sont pas uniquement les mots, l’acte de silence est un signifiant qui n’a rien à attendre des mots. Par conséquent, même quand les mots ne peuvent pas se dire, il y a toujours des signifiants et du langage.

Discours concret

Le terme de discours peut se comprendre selon deux acceptions : le discours concret, ou bien le lien social.

Tout d’abord, le discours concret, en tant qu’instance prononcée par un orateur, est à classer du côté de la parole. L’habileté de la rhétorique, l’art déclamatoire du tribun, et la gestuelle démonstrative associée, font du discours un instrument de persuasion efficace souvent utilisé comme moyen de propagande redoutable. Un discours est un outil ciblé vers un auditoire auquel il s’adapte, ce qui en fait un support supérieur à l’écrit trop déconnecté de son lectorat.

Lien social

Lacan (voir citations) a introduit la notion de « discours » pour désigner le lien social, c’est-à-dire l’organisation des échanges entre les sujets humains.

Les « discours » articulent divers spécimens de structures inter-signifiantes que l’on peut identifier et cataloguer. Au cours de son enseignement — pendant le Séminaire 17 —, Lacan a défini quatre types de « discours » spécifiant quatre modes « fondamentaux de relations humaines ». Les étudier serait le sujet d’un autre livre. Nous les citons seulement ici, en les accompagnant d’une description sommaire de la fonction assignée à chacun d’eux, sous la forme d’un bref coup d’œil s’adressant à l’élégance des noms que leur a attribués leur auteur :

— le « discours du Maître » est la forme courante de l’interaction entre les êtres humains, dans laquelle « un signifiant est ce qui représente le sujet pour un autre signifiant » ;

— le « discours Universitaire », dans le monde de la morale utilitariste, s’appuie sur le savoir comme instrument de l’adaptation de l’homme à la politique des biens ;

— le « discours de l’Hystérique » est celui qui fait avancer la science ;

— le « discours de l’Analyste », enfin, révèle l’indifférence du réel par rapport au symbolique, de l’objet petit a par rapport au sujet barré, ou bien de la vérité par rapport au savoir.

Trois structures signifiantes: le langage, la parole et le discours

Trois structures signifiantes

Références

Séminaire 3 : [page 33] Il est impossible de schématiser le phénomène de la parole par l’image qui sert à un certain nombre de théories dites de la communication — l’émetteur, le récepteur, et quelque chose qui se passe dans l’intervalle.

Séminaire 14 : [séance du 12/04/1967] L’acte de se taire ne libère pas le sujet du langage.

Séminaire 17 : [page 11] […] distinguer ce qu’il en est du discours, comme une structure nécessaire qui dépasse de beaucoup la parole, toujours plus ou moins occasionnelle […] C’est qu’à la vérité, sans paroles, il peut fort bien subsister. Il subsiste dans certaines relations fondamentales. Celles-ci, littéralement, ne sauraient se maintenir sans le langage.

Séminaire 20 : [page 51] Je le [le lien social] désigne du terme de discours parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de le désigner dès qu’on s’est aperçu que le lien social ne s’instaure que de s’ancrer dans la façon dont le langage se situe et s’imprime, se situe sur ce qui grouille, à savoir l’être parlant.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *