Spéculaire ou bien non-spéculaire

D’après les définitions des dictionnaires, l’adjectif spéculaire qualifie « ce qui est relatif au miroir ». Par exemple, une image perceptive renvoyée par un miroir est une représentation spéculaire. De même, jouant avec cette acception usuelle, les séminaires de Lacan proposent de nombreuses réflexions subtiles et amusantes sur les effets de symétrie entre les images spéculaires et le réel.

Par contre, lors du Séminaire 13 (séance du 19/01/1966), Lacan s’échappe du contour élémentaire de cette définition ordinaire lorsqu’il juge l’objet petit a « non-spéculaire », en spécifiant que c’est parce que « l’image ne reflète rien », parce qu’il « apparaît comme image de rien ».

Ce concept d’« image de rien » n’est pas quelque chose de capté (ou de non-capté) par les sens, mais une notion construite dans le périmètre du symbolique. Selon l’approche de Lacan, le terme spéculaire se rapporte à l’utilisation du signifiant pour décrire les images dans l’ordre symbolique conformément au stade du miroir : le grand Autre renvoie une image « spéculaire » en termes signifiants, dans le sens où l’on est capable d’en façonner des représentants avec les éléments du langage.

Dans notre modèle, nous adoptons cette définition du spéculaire qui applique la structure langagière de l’inconscient, et qui fait intervenir le stade du miroir en tant que métaphore du « passage de l’Imaginaire au crible du Symbolique », crible permettant de distinguer, par tamisage sur des concepts, ce qui est spéculaire de ce qui est non-spéculaire. Le corps structuré ainsi que le moi sont des signifiants, et sont donc totalement spéculaires. En revanche, étant le reste réel de la division, l’objet petit a n’est pas spéculaire parce qu’il n’y a pas de signifiant qui le représenterait. Non spéculaire, on ne sait pas de quoi il est l’image, « image de rien ».

La barre qui sépare en linguistique le signifié du signifiant est ici la barre qui sépare le non-spéculaire du spéculaire.

L'image décrite par le signifiant est spéculaire ; le reste signifié est non-spéculaire.

« Avènement dans le signifiant »

Références

Séminaire 4 : [page 189] En effet, toutes les relations au corps propre qui s’établissent par l’intermédiaire de la relation spéculaire, toutes les appartenances du corps, entrent en jeu et sont transformées par leur avènement dans le signifiant.

Séminaire 13 : [séance du 19/01/1966] […] cela veut dire que l’image ne reflète rien, désignant là déjà ceci […] qui est proprement ce dont je vous dis : que le petit a n’est pas spéculaire. En effet, quand il apparaît sur le fond transparent de l’être, c’est justement à la fois d’apparaître comme une image et une image de rien.

Séminaire 13 : [séance du 19/01/1966] [l’objet petit a] […] une transparence sur fond de transparence […] cette apparition ne peut être reconnaissable pour la pensée de la réflexion […] qu’à chercher, se retournant derrière soi, où peut bien être l’original.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *