Grand Autre dans la névrose

En guise de conclusion, ce dernier chapitre s’exerce à emprunter quelques notions générales au modèle que nous avons construit dans les chapitres précédents — en nous inspirant du modèle lacanien du langage —, et à les appliquer au rapport du sujet avec le grand Autre dans les situations cliniques pathologiques de la névrose, de la psychose, et de la perversion — selon la terminologie en vigueur à l’époque de Lacan. Aujourd’hui, le vocabulaire psychiatrique parle de « troubles de la santé mentale  ».

Les idées avancées ici démontrent une diversité effective dans ce rapport : le névrosé et le pervers sont sûrement des sujets barrés, alors que le psychotique ne l’est pas.

Commençons par la névrose.

Grand Autre dans la névrose

Le névrosé reconnaît l’existence du grand Autre en tant que champ du langage. Il accepte la division signifiante — la coupure, la castration.

Pour différencier les trois grandes névroses, il se révèle pertinent de considérer l’inter-signifiance au lieu de l’intersubjectivité, c’est-à-dire de s’appuyer non pas sur « le rapport du sujet avec son entourage », mais sur l’intrigue théâtrale du sujet barré avec le signifiant :

— l’hystérique est lui-même le signifiant. Il s’y connait en affaire de désir et se réjouit de la division qui génère le signifiant. L’acte de l’hystérique est de jouer du semblant sur la scène ;

— l’obsessionnel contrôle et maîtrise le signifiant. Il veut savoir la vérité. L’acte de l’obsessionnel est de diriger la mise en scène des signifiants. Il affronte la coupure en étant sûr de vaincre. Pour lui, pas de doute que la castration lui permettra de maîtriser le réel par le symbolique ;

— le phobique se défie du signifiant qui est mensonge. Il craint la menace de la castration. L’acte du phobique est de basculer hors de la scène, de quitter ce jeu forcément injuste, ou alors de parier sur la contingence. En attendant, il tergiverse afin de retarder l’échéance, ou bien il utilise le signifiant pour briller — ce qui revient à une autre forme de procrastination.

Le névrosé reconnaît le grand Autre en tant que champ du langage.

Rôle du grand Autre dans la névrose

Références

Séminaire 3 : [page 189] Je vous ai parlé de l’Autre de la parole, en tant que le sujet s’y reconnaît et s’y fait reconnaître. C’est là, dans une névrose, l’élément déterminant, et non pas la perturbation de telle relation, orale, anale, voire génitale.

Séminaire 5 : [page 472] L’obsessionnel est un homme qui vit dans le signifiant. Il y est très solidement installé.

Séminaire 6 : [séance du 17/06/1959] […] il n’y a aucune espèce de juste déduction de la phobie, sinon à admettre la fonction, l’exigence comme telle d’une fonction du signifiant, laquelle suppose une dimension propre qui n’est pas celle du rapport du sujet à son entourage, qui n’est pas celle du rapport à aucune réalité, sinon à la réalité et à la dimension du langage comme telle, du fait qu’il a à se situer comme sujet dans le discours […]

Séminaire 9 : [séance du 14/03/1962] Le névrosé veut savoir quoi ? […] il veut savoir ce qu’il y a de réel dans ce dont il est la passion, à savoir, ce qu’il y a de réel dans l’effet du signifiant.

Séminaire 10 : [page 77] sa façon [de l’obsessionnel] si particulière de traiter le signifiant, à savoir de le mettre en doute, de l’astiquer, de l’effacer, de le triturer, de le mettre en miettes […]

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