Seconde mort

La « seconde mort » est la mort du sujet barré, l’abolition de son lien avec le signifiant : quand elle survient, le sujet cesse d’ex-sister. Par contre, la « première mort » est la mort biologique, la mort du corps.

La seconde mort précède la première lorsque le sujet a perdu ou pense avoir perdu — plus d’espoir — le contrôle sur le signifiant. Cela peut se produire, soit du fait social — le bannissement ou bien toutes les formes de rejet —, soit de la part du sujet lui-même — exclusion volontaire de la société, dévalorisation de soi-même, psychose mélancolique. Quand le sujet n’a plus de signifiant pour le représenter auprès des vivants — parce que les vivants sont ceux qui sont associés à des signifiants comme valeurs d’échange —, il est condamné à la transparence. Le sujet n’attend plus rien de l’acte de coupure signifiante, et la répétition ne veut plus rien dire. Dans ce cas, le suicide constitue une éventualité possible … mais pas toujours : Antigone se suicide, Œdipe non, et ceux qui n’ex-sistent plus socialement ne passent heureusement pas tous à l’acte.

En étant « exclue du monde des vivants », Antigone est condamnée à la perte de la pensée et à l’impuissance de son activité intellectuelle : elle est vouée à faire l’expérience de la mort. Antigone, enfermée dans un tombeau, a perdu la possibilité de toute inter-signifiance. Elle est morte de la seconde mort, celle du sujet ; alors elle se donne la première mort, celle du corps.

Antigone au tombeau est morte de la seconde mort

Antigone au tombeau

Références

Antigone : [page 90] Créon : […] enfermez-la dans le caveau […] elle sera privée de la communication des vivants.

Séminaire 6 : [séance du 22/04/1959] […] le deuil s’apparente à la psychose […]

Séminaire 7 : [page 291] […] Antigone condamnée au supplice. Quel supplice ? Celui d’être enfermée vivante en un tombeau […] le sort d’une vie qui va se confondre avec la mort certaine, mort vécue de façon anticipée, mort empiétant sur le domaine de la vie, vie empiétant sur la mort.

Séminaire 7 : [page 326] Son supplice [d’Antigone] va consister à être enfermée, suspendue, dans la zone entre la vie et la mort. Sans être encore morte, elle est déjà rayée du monde des vivants.

Séminaire 7 : [page 331] Sophocle […] nous situe le héros dans une zone d’empiètement de la mort sur la vie, dans son rapport à ce que j’ai appelé ici la seconde mort.

Séminaire 8 : [page 463] Dans ses auto-accusations, il [le mélancolique] est entièrement dans le domaine du symbolique.

Séminaire 17 : [page 76] […] étant psychanalyste, je puis m’apercevoir que la seconde mort est avant la première, et non après […]

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