Science et mythe : expliquer le réel

Science

S’appuyant d’une part sur l’expérience qui observe le réel, et d’autre part sur les lois théoriques établies par l’ordre symbolique, la science a pour objectif de décrire la structure du réel.

La science moderne n’arrête pas de progresser et de défricher de nouveaux pans dans la masse opaque du réel. Les formalisations de la science sont élaborées par le langage, et s’inscrivent dans le savoir. Elles améliorent sans cesse la compréhension du réel, même si l’on ne peut pas lever le doute que le réel soit structuré de la même manière que le disent les modèles de la science, ou peut-être différemment (« les lois du signifiant que nous ne saurions d’aucune façon tenir d’emblée pour homogènes à celles du monde »).

S’appuyant sur l’expérience et sur les lois théoriques, la science a pour objectif de décrire la structure du réel.

« Je dis toujours la vérité »

Références

Télévision : [Autres écrits, page 509] Je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas. La dire toute, c’est impossible, matériellement : les mots y manquent. C’est même par cet impossible que la vérité tient au réel.

Écrits : [page 877] Ai-je besoin de dire que dans la science, à l’opposé de la magie et de la religion, le savoir se communique ?

Séminaire 3 : [page 148] Ce n’est pas du fait d’une loi d’expérience, mais en raison d’une loi a priori, que nous devons avoir des chances égales de sortir le plus et le moins […] le symbolique donne ici une loi a priori, et introduit un mode d’opération qui échappe à tout ce que nous pourrions faire surgir d’une déduction des faits dans le réel.

Séminaire 13 : [séance du 05/01/1966] […] pour ce qui est de l’intelligence, où est le degré de plus que l’homme atteint ? Il y a un degré de plus […] Tout le reste de ce que nous plaçons dans ce domaine de l’intelligence, et nommément ce qui a abouti à notre science, est l’effet de ce rapport, de cette prise dans quelque chose que j’appelle le signifiant dont la portée, dont la fonction, dont la combinaison, dépasse dans ses résultats ce que le sujet qui le manie peut en prévoir. Car, contrairement à ce qu’on dit, ce n’est pas l’expérience qui fait progresser le savoir, ce sont les impasses où le sujet est mis d’être déterminé par la mâchoire […] du signifiant.

Séminaire 17 : [page 46] […] la distorsion, en quelque sorte obligatoire, d’une traduction en discours universitaire de quelque chose ayant ses lois propres.

Séminaire 18 : [séance du 20/01/1971] […] notre discours scientifique ne trouve le réel qu’à ce qu’il dépende de la fonction du semblant […] le discours scientifique progresse sans plus même se préoccuper s’il est ou non semblant.

Séminaire 22 : [séance du 15/04/1975] […] la science, ce n’est peut-être que des petits bouts de ce Réel qu’elle arrache […]


Mythe

Le mythe est une production de l’ordre symbolique.

De même que la science, il a pour but d’expliquer le réel. Mais il se place, soit dans le cadre des théories infantiles — c’est-à-dire avant d’avoir appris à utiliser avec rigueur les outils signifiants —, soit dans le cadre des sociétés primitives — c’est-à-dire en dehors de la construction historique des théories scientifiques. Dans un cas comme dans l’autre, le mythe produit des théories pseudo-scientifiques s’appuyant sur des pouvoirs magiques attribués à des « forces sacrées ». Étant couramment antérieur à la science, le mythe est une première étape explicative dont le seul outil est le langage pour raconter des « récits ». Via les mythologies, il occupe par conséquent une place culturelle importante dans les sociétés humaines.

Par ailleurs, la fonction explicative du mythe intervient fréquemment de façon tacite dans le délire psychotique.

Il est remarquable de voir que les trois « acteurs » du mythe — l’infantile, le primitif, et le névrotique (au sens large) — appartiennent aux trois familles qui ont toujours été pointées comme « immatures » par la totalité du discours freudien. Sauf que, ironiquement, certains auteurs n’ont pas hésité non plus à qualifier de mythe ou de pseudoscience la psychanalyse elle-même …

Fonction explicative du mythe: forces magiques et théories pseudo-scientifiques

Fonction explicative du mythe

Références

Séminaire 4 : [page 252] S’il convient maintenant d’introduire la notion du mythe, c’est que nous débouchons maintenant de la façon la plus naturelle sur la notion des théories infantiles […] la place qu’y tiennent toute une série d’élucubrations du petit Hans, certaines très riches, qui donnent l’impression d’une prolifération et d’un luxe.

Séminaire 4 : [page 253] Ce que l’on appelle un mythe, qu’il soit religieux ou folklorique, à quelque étape de son legs qu’il soit pris, se présente comme un récit.

Séminaire 4 : [page 254] Nous y trouvons aussi [dans les mythes] constamment mis en question le rapport de l’homme avec une force secrète, maléfique ou bénéfique, mais essentiellement caractérisée par ce qu’elle a de sacré.

Séminaire 4 : [page 293] […] un mythe est toujours une tentative d’articuler la solution d’un problème.

2 commentaires

  1. J’aime beaucoup vos articles que je découvre aujourd’hui dans le sens où ils décrivent des notions complexes et des complexités susceptibles d’être abordées par la pensée complexe d’Edgar Morin. Ces articles restent très intéressants, même s’ils ne participent pas tous de la pensée complexe ou de la complexité selon Edgar Morin.

  2. Bonjour et merci pour votre commentaire.
    Mon approche est sûrement très simple, mais je serais très heureux si elle pouvait vous être utile à vous ainsi qu’à vos collègues dans votre champ d’étude. Ne manquez pas de revenir vers mon site quand cela vous convient.

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