Le corps structuré représente le corps réel

Le corps est la « part animale » du sujet, sa part réelle dotée de la perception. La physiologie du corps fonctionne en silence dans le réel, ne se manifestant que lors de la jouissance ou bien lors de son versant symétrique, la souffrance. Lacan appelle le corps du sujet « la livre de chair » (Séminaire 10, pages 146, 147, 254, d’après William Shakespeare, Le Marchand de Venise).

Étant homologue à l’objet petit a, le corps se trouve séparé du sujet barré par « l’effet de béance » qui résulte de la division. Par conséquent, le corps est ce qui échappe aux signifiants représentant le sujet barré, c’est-à-dire tout ce qu’ils n’ont pas à leur disposition pour manigancer leurs stratégies d’inter-signifiance. Provoquant ainsi le fantasme de réunion, le corps dénote « ce qu’on n’a pas » comme le sous-entendait Lacan lorsqu’il improvisait l’une de ses formules paradoxales — « l’amour, c’est donner ce qu’on n’a pas » (Séminaire 8, pages 46, 150, 159, 263, 419 ; Séminaire 12) —, faisant alors malicieusement allusion à l’impasse de l’amour chrétien qui prône idéalement « le don du corps ».

Corps structuré

De même que l’exprime aussi le cogito, le corps structuré constitue, pour le sujet pensant qui ex-siste, « la conscience du fait qu’il est un corps » à la différence de l’animal qui « ne se sait pas comme corps ».

Pour l’être humain, à partir du stade du miroir, la connaissance du corps s’impose comme une affaire de langage. Alors que le réel du corps ressemble à un puzzle de pièces détachées, la dénotation permet de saisir la structure d’ensemble de ces éléments anatomiques. Dans la représentation du corps qui en résulte, le langage — en tant qu’agent à la fois diviseur et unificateur selon la définition du sujet humain — établit la synthèse entre les organes et arrange le corps comme un tout. Si la bonne marche de l’organisme trébuche parce qu’une maladie survient, la tâche de la médecine sera alors de s’appuyer sur la connaissance du corps structuré pour en rétablir la cohérence fonctionnelle.

La découverte du corps structuré s’accomplit à l’aide des mots et de l’énoncé : l’automaton. Cela ne rend pas pour autant la rencontre avec l’objet petit a formulable par l’énonciation.

Chez les psychotiques, l’invalidation du langage ne permet pas la structuration d’ensemble des éléments de l’anatomie, et la relation au corps reste celle du « corps morcelé et démembré » décrit par la psychiatrie.

Le langage décrit le corps structuré

Le langage décrit le corps

Références

Écrits : [page 97] […] le sujet, pris au leurre de l’identification spatiale, machine les fantasmes qui se succèdent d’une image morcelée du corps à une forme que nous appellerons orthopédique de sa totalité […]

Séminaire 1 : [page 169] Rien ne permet d’affirmer que l’animal ait une conscience séparée de son corps comme tel […]

Séminaire 1 : [pages 192-193] L’homme se sait comme corps, alors qu’il n’y a après tout aucune raison qu’il se [sic] sache, puisqu’il est dedans. L’animal lui aussi est dedans, mais nous n’avons aucune raison de penser qu’il se le représente.

Séminaire 11 : [page 85] Le rapport du sujet avec l’organe est au cœur de notre expérience.

Séminaire 12 : [séance du 17/03/1965] L’amour, c’est donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas.

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