Sens métaphorique

Poésie et métaphore

L’élégance et la surprise des métaphores, ainsi que le flot de sens qui peut en découler, détiennent les clés de la poésie.

En littérature, la métaphore est une palette picturale permettant de peindre avec talent des portraits ou des scènes. Par exemple :

 « Fou comme la mer et le vent quand ils luttent pour que le plus fort l’emporte » (William Shakespeare, Hamlet, Acte IV, scène I),

« Croyez-vous qu’il soit plus aisé de jouer de moi que d’une flûte ? » (William Shakespeare, Hamlet, Acte III, scène II).

atterré : exemple de métaphore cité par Lacan

Exemple de métaphore

Références

Séminaire 5 : [pages 32-33] […] atterré n’a pas originairement, et dans beaucoup de ses emplois, le sens de frappé de terreur, mais celui de mis-à-terre […] il n’en reste pas moins que l’usage courant du mot implique un arrière-plan de terreur […] l’intérêt de la chose est de remarquer que la terreur est introduite par le terre qui est dans atterré.

Séminaire 5 : [page 93] C’est par l’action de la métaphore que se produit le surgissement du sens nouveau […]


Sens métaphorique

Le sens n’émerge pas en tant qu’attribut du signifiant, mais comme résultat de relations entre signifiants ; en jouant avec les mots, la métaphore institue un mécanisme privilégié de production de sens.

Alors que les significations provenant des lexiques contribuent mécaniquement au sens, la métaphore fonctionne au contraire en « dénouant les connexions lexicales préétablies ». La poésie, la peinture, les arts, … emploient des mécanismes métaphoriques : il y a changement de paradigme, introduction « à un monde autre que le nôtre ». Le sens ne vient pas du dictionnaire — dont la réponse lexicale serait bien souvent carrément absurde —, mais de la métaphore : un exemple chanté par Léo Ferré, parmi des milliards d’autres images dans le champ poétique : « Ces mains qui jouent de l’arc-en-ciel sur la guitare de la vie ».

À l’opposé, des structures élémentaires telles que les schémas de communication de type [émetteur — récepteur] sont incapables de générer la métaphore.

De même, l’animal n’a pas le langage et ne fait pas de métaphores.

Chez l’homme, l’art ou la poésie sont des formations métaphoriques dont la mission se consacre simplement à la révélation de « sens toujours nouveaux ». Par contre, si l’on attend aussi de la création artistique la communication de « messages », c’est logiquement par le biais du changement de paradigme qu’il faut les escompter.

La structure du langage a le pouvoir et l’habileté « de dire quelque chose en disant autre chose ». Par exemple, les traits d’esprit vont au-delà de la signification explicite. Le sens à côté, ou le manque de sens apparent, offrent des ressorts supplémentaires — par rapport à la signification des vocabulaires — qui font avancer le sens.

Métaphore: le sens vient de la structure

Le sens vient de la structure

Références

Séminaire 3 : [page 91] Il y a poésie chaque fois qu’un écrit nous introduit à un monde autre que le nôtre […] La poésie est création d’un sujet assumant un nouvel ordre de relation symbolique au monde.

Séminaire 3 : [page 248] La métaphore suppose […] que toute espèce de connexion préétablie, je dirais lexicale, se trouve dénouée […] il est clair que l’usage de la langue n’est susceptible de signification qu’à partir du moment […] où la signification arrache le signifiant à ses connexions lexicales […] Il est tout à fait exclu qu’un animal fasse une métaphore […]

Séminaire 3 : [page 255] […] comment peut-il se faire que le langage ait son maximum d’efficacité quand il arrive à dire quelque chose en disant autre chose ? […] Il faut s’apercevoir que sans la structuration du signifiant, aucun transfert de sens ne serait possible.

Séminaire 5 : [page 13] De même, il n’y a pas de sens, sinon métaphorique, le sens ne surgissant que de la substitution d’un signifiant à un signifiant dans la chaîne symbolique.

Séminaire 5 : [page 32] […] c’est par la voie de la métaphore, par le jeu de substitution d’un signifiant à un autre à une certaine place, que se crée la possibilité […] de surgissement de sens toujours nouveaux […]

Séminaire 16 : [page 90] La signification comme produite, voilà ce qui sert, comme leurre, à nous voiler ce qu’il en est de l’essence du langage, en tant que, par son essence, proprement il ne signifie rien. Ce qui le prouve, c’est que le dire, dans sa fonction essentielle, n’est pas opération de signification.


Le « dit » et « l’inter-dit »

Dans un discours prononcé, il y a l’afflux incessant de la signification des mots qui peuvent se dire ; et il y a ce qui ne peut pas se dire, ce qui est « censuré, défendu », mais qui participe au sens. Lacan appelle « l’inter-dit » cet « interdit » qui vient s’insinuer « entre les mots, entre les lignes ».

Ce qui ne peut pas se dire ne passe pas par les mots, mais s’achemine au moyen du sens métaphorique. Par rapport au ronronnement de l’énoncé, l’inter-dit navigue à l’horizon de l’échelon fugitif de l’énonciation.

Cet « interdit » qui vient s’insinuer « entre les mots, entre les lignes »

Ce qui ne peut pas se dire

Références

Séminaire 6 : [séance du 03/12/1958] […] pour que le non-dit soit du non-dit, il faut le dire au niveau de l’énonciation, c’est-à-dire en tant que discours de l’Autre.

Séminaire 8 : [page 281] […] la difficulté de ce discours, c’est que je ne peux rien vous en dire qui ne doive prendre tout son poids de ce que je n’en dis pas.

Séminaire 20 : [page 108] Il y a du rapport d’être qui ne peut pas se savoir. C’est lui dont, dans mon enseignement, j’interroge la structure, en tant que ce savoir — je viens de le dire — impossible est par là interdit. C’est ici que je joue de l’équivoque — ce savoir impossible est censuré, défendu, mais il ne l’est pas si vous écrivez convenablement l’inter-dit, il est dit entre les mots, entre les lignes.

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