Les mécanismes de la perception, appartenant à l’imaginaire, permettent au sujet d’appréhender son corps (ou celui d’un autre) comme une image ayant la « consistance » d’une représentation immédiate, c’est-à-dire « ce qui se donne à voir ».
Dans le cas du sujet lui-même, cette représentation de l’image du corps i(a) est une image du réel renvoyée par un miroir. L’image i(a) ne se confond pas avec le corps structuré qui est dans l’ordre symbolique un instrument de connaissance, car les signifiants du corps structuré décrivent le corps, mais ils sont dénués de la densité des éléments installés dans le réel tels qu’ils sont captés par la perception.
Le moi
Le moi est un représentant fournissant une représentation à partir de l’image perceptive du corps. Il se forme par rapport à l’image i(a) qui montre un « reflet du réel renvoyé par l’imaginaire » : le moi s’interpose comme un représentant spéculaire, et invite l’image du corps à venir se loger au sein de l’ordre symbolique. Le moi se comporte à l’intérieur du psychisme humain à la façon d’un signifiant parmi d’autres signifiants. En effet, tout en provenant de la relation imaginaire, le moi prend place dans le langage, illustrant ainsi l’imbrication des trois catégories R.S.I. dans le nœud borroméen.
Le moi, en tant que représentant du reflet dans un miroir, et le sujet barré représenté par des signifiants lors de l’inter-signifiance, sont distincts et non recouvrables l’un par l’autre.
Sur le dessin du graphe du désir, le narcissisme décrit la relation entre le moi et l’image i(a).
L’image de l’autre
Pendant notre vie quotidienne, nous avons affaire aux autres personnes. Tous ces autres qui nous entourent dans la société humaine sont eux aussi des sujets marqués par la division, mais ce n’est pas ce qui se voit sur eux. Au cours du déroulement des relations interhumaines, chacun sait l’importance de « l’image » — c’est-à-dire des signifiants représentant, soit notre apparence physique, soit nos attitudes corporelles, soit nos emblèmes vestimentaires ou autres tels que nous les affichons.
Ainsi que l’observe Lacan, « le corps est ce qui nous présentifie les uns aux autres ». À la source d’un contact ou d’un rejet, il y a un sourire ou l’absence de sourire, un regard, un ton de voix (on retrouve des instances de l’objet petit a), etc. Ce qui provient de la mémoire quand on évoque quelqu’un d’autre, ce sont des représentations de son visage et de son corps, de ses habits, de sa prestance ou de sa misère, de sa manière de vivre et de son environnement, … Et personne ne niera l’importance de l’attrait physique dans l’établissement d’une relation amoureuse. Que l’on aime ou non un autre sujet, ou bien qu’il nous soit indifférent, il y a toujours des représentants et des représentations en mémoire. La profusion de photographies, que les moyens électroniques du XXIe siècle permettent d’échanger et de stocker, confirme l’importance des images de soi et des autres.
Le petit autre
Nous appelons notre semblable, dont la représentation est fournie via l’image de l’autre, par le terme de petit autre. Alors que la relation avec le petit autre se joue au départ en tant qu’altérité duelle sur un plan imaginaire, elle se déploie — de même que toutes les productions de l’imaginaire — via des signifiants dans l’ordre symbolique, donc sur un plan d’altérité ternaire gérée par le grand Autre qui agit dans les mécanismes langagiers de l’inconscient comme opérateur de l’inter-signifiance.
L’image du corps et le moi
Références
Séminaire 1 : [page 144] L’autre a pour l’homme une valeur captivante, de par l’anticipation que représente l’image unitaire telle qu’elle est perçue soit dans le miroir, soit dans toute réalité du semblable.
Séminaire 2 : [page 60] Littéralement, le moi est un objet — un objet qui remplit une certaine fonction que nous appelons ici fonction imaginaire.
Séminaire 10 : [page 104] […] ce que nous avons là pour nous présentifier les uns aux autres, notre corps.
Séminaire 22 : [séance du 10/12/1974] […] la seule notion d’Imaginaire, en tant que le départ de celle-ci est la référence au corps et au fait que sa représentation […] n’est que le reflet de son organisme.