Le sujet barré ex-siste via des signifiants dans l’ordre Symbolique. Cette ex-sistence, c’est-à-dire le résultat des interactions entre des signifiants dans le cadre d’une structure (que l’on peut appeler le « langage », bien au-delà de la parole) constitue l’existence sociale du sujet.
Quant au corps, il représente l’objet petit a dans le Réel.
La dysphorie de genre montre un exemple remarquable de la division du sujet. D’un côté de la division signifiante, il y a le sujet barré qui choisit et décide du genre ; de l’autre côté, il y a le corps qui porte un sexe perçu comme inadéquat par le sujet barré.
Dans le cas de la dysphorie de genre, le sujet barré éprouve une dissociation entre le corps et le genre. Au lieu de faire avec le corps qui « est là », il faut au contraire tenter de le modifier selon les promesses d’une médecine capable de s’appuyer sur le « corps structuré », c’est-à-dire de le manipuler comme un ensemble d’éléments signifiants.
La première étape de la « transition » consiste à la prise d’hormones du genre souhaité, avec pour résultat un changement d’apparence permettant une nouvelle vie sociale correspondant à la volonté du sujet barré. À ce stade, une personne transgenre peut changer de sexe à l’état civil, tout en conservant les organes de son sexe d’origine.
Est-ce que cela satisfait les désirs du sujet barré ? Parfois oui, mais souvent non parce que le Réel reste toujours présent et se manifeste en tant que tel. Par exemple, à ce stade, un homme transgenre continue à avoir des règles (menstruations), ce qui constitue un épisode foncièrement féminin particulièrement négatif par rapport à l’identité de genre masculin.
Ensuite, la seconde étape de la transition est celle de la chirurgie. Par exemple, pour une femme transgenre, la réassignation sexuelle consiste à une ablation du pénis et des testicules, puis à la construction d’un clitoris et d’un vagin. Par la suite, grâce à une greffe d’utérus, une femme transgenre pourra devenir enceinte, mais seulement par un processus de fécondation in vitro. En effet, n’ayant pas d’ovaires pour produire des ovules ni de trompes pour transporter ceux-ci, une femme transgenre ne peut pas devenir enceinte naturellement.
De même, un homme transgenre peut se faire ligaturer les trompes et subir une hystérectomie ; les chirurgiens peuvent lui greffer un pénis érectile grâce à une pompe ; cependant, il ne peut pas fabriquer de spermatozoïdes.
En résumé, les personnes transgenres changent de sexe à l’état civil. Grâce aux hormones et aux opérations de transition chirurgicale, elles acquièrent l’apparence du genre souhaité et peuvent même atteindre une partie de l’épanouissement sexuel propre à ce nouveau genre. Mais, pour l’instant, elles ne peuvent pas se reproduire naturellement en ayant des enfants biologiques portant leurs gènes.
Si les personnes transgenres choisissent la stérilisation (qui n’est pas imposée par la loi en France), cette stérilisation a lieu par rapport à leur sexe d’origine. Par contre, elles sont forcément, depuis toujours et pour toujours, stériles par rapport à leur nouveau genre.
Par conséquent, dans le cas de la dysphorie de genre, le sujet barré peut sans difficultés obtenir une nouvelle existence sociale dans l’ordre Symbolique. Cependant, et c’est une parfaite illustration de la division signifiante, cette-nouvelle ex-sistence se trouve de fait déconnectée de la nature biologique du corps qui ne s’efface pas et reste dans le Réel.