Énoncé et énonciation

Dans le graphe du désir, les deux lignes courbes horizontales de l’énoncé et de l’énonciation sont les deux composantes d’une demande qui exprime un échange social. Le dédoublement de la chaîne signifiante met en relief la dualité des réponses offertes par le langage, qui peuvent être schématisées comme deux « rubans porteurs » avançant parallèlement au cœur de la parole : « l’énoncé et l’énonciation fonctionnent conjointement dans l’acte de parole ».

Énoncé

À l’étage signifiant inférieur du graphe, la ligne de l’énoncé offre une solution résultant de la signification lexicale, le message signifié de l’Autre noté « s (A) » qui s’établit par dénotation à partir des éléments portés par la chaîne signifiante. Le sujet se trouve en rapport avec les unités signifiantes qui se succèdent, et « subit » l’effet de signification résultant de leur « jeu rétroactif ».

Le signifié de l’Autre — s (A) — procure une première étape de satisfaction. Normalement, cela reste insuffisant car il n’y a pas de dernier mot, même pas venant de l’Autre. Le « savoir absolu », la « fin de l’histoire », ne sont pas des attributs du grand Autre.

Énonciation

À l’étage signifiant supérieur du graphe, la ligne de l’énonciation offre une solution qui se construit à la fois à partir de l’effet de la connotation, et à partir de la métaphore ou de la métonymie permettant le supplément de l’équivoque comme vecteur de sens, grâce à la richesse apportée par les signifiants disponibles à la surface du langage. L’énonciation se perçoit à l’égal d’une rencontre avec les mécanismes du langage, dont l’emprise vient se superposer de façon sélective au sens émergeant déjà des significations de l’énoncé.

La phrase de Lacan : « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend » (L’étourdit, Autres écrits, page 449), signifie que le destin de l’énonciation (« Qu’on dise ») est d’être masqué (« reste oublié ») par ce que formule l’énoncé (« derrière ce qui se dit ») à l’aide de la signification lexicale (« dans ce qui s’entend »).

Le dédoublement de la chaîne signifiante met en relief la dualité des réponses offertes par le langage

Dédoublement de la chaîne signifiante

Références

Séminaire 6 : [séance du 12/11/1958] [au premier étage du graphe] c’est toujours par un jeu rétroactif de la suite des signifiants que la signification s’affirme et se précise.

Séminaire 6 : [séance du 12/11/1958] […] l’appel à l’Autre, c’est-à-dire où le procès de l’énonciation se superpose, se distingue de la formule de l’énoncé […] la nuance est inconsciente dans l’articulation de la parole.

Séminaire 6 : [séance du 12/11/1958] Le désir […] se manifeste dans cet intervalle, cette béance [entre les deux lignes de l’articulation signifiante] qui sépare l’articulation pure et simple, langagière de la parole, de ceci qui marque que le sujet y réalise quelque chose de lui-même qui n’a de portée, de sens, que par rapport à cette émission de la parole […]

Séminaire 6 : [séance du 19/11/1958] Quel est le but de ce graphe ? C’est de montrer les rapports, pour nous essentiels, du sujet parlant avec le signifiant […] Ces deux étages [du graphe], il faut penser qu’ils fonctionnent tous les deux en même temps dans le moindre acte de parole […]

Séminaire 6 : [séance du 19/11/1958] Il y a deux étages dans le fait que le sujet […] est en rapport avec […] la structure prévalente du signifiant. À l’étage inférieur, il reçoit, il subit cette structure.

Séminaire 6 : [séance du 08/04/1959] […] la ligne supérieure, la ligne d’énonciation […]

Séminaire 6 : [séance du 27/05/1959] [les] quatre points […] situés aux croisements des deux chaînes signifiantes par une boucle qui est celle de l’intention subjective […] ce sont les lieux où vient se situer la rencontre de l’intention du sujet avec le fait concret qu’il y a langage.

Séminaire 9 : [séance du 21/03/1962] L’énonciation et l’énoncé, comme toujours, sont parfaitement séparables, mais ici leur béance éclate.

Séminaire 13 : [séance du 08/12/1965] […] le graphe de deux étages et la fonction de la parole pour autant que s’y différencie l’énonciation de l’énoncé.

Séminaire 16 : [page 63] […] l’Autre […] n’enferme nul savoir dont il se puisse présumer, disons, qu’il soit un jour absolu.

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