La répétition accomplit indéfiniment une opération de coupure récursive de l’objet petit a pour trouver du sens.
Puisque l’objet petit a est ce qui « reste », il « reste » à le diviser de nouveau ; mais il y a simplement incrémentation, et à chaque fois un tour suivant « reste » à faire. Alors que le signifié est éternellement divisible (la complétude du réel), le signifiant demeure strictement insécable (la granularité du symbolique) : la répétition fait apparaître à chaque coupure de nouveaux signifiants S1 qui remplacent et « effacent » les précédents S1, alors que ceux-ci viennent s’ajouter aux autres signifiants existants en capitalisant du savoir. Actionnée par l’espoir contingent attaché à la question du désir, la répétition est un processus sans fin qui ne converge jamais parce qu’il y a toujours un « reste » réel à recouper.
En réalité, oubliant souvent sans regrets son but initial d’énonciation, la répétition s’inscrit aisément dans la routine de la vie quotidienne et dans le conformisme, mais elle reste animée par la persistance du désir indestructible. Dans la dépression, la répétition continue cahin-caha, alors que l’acte de coupure signifiante semble ne plus rimer à rien.
« Ce qui se répète »
Ce qui se répète, c’est l’opération de division signifiante. Ce ne sont pas les cycles de la nature ni les rythmes biologiques de la vie animale, qui appartiennent au réel et sont toujours à la même place. Ce ne sont pas non plus des souvenirs ni du plaisir, et c’est pourquoi l’insistance de la répétition exprime justement ce quelque chose « au-delà du principe de plaisir » contre lequel s’est heurté Freud, et qu’il a tenté d’intégrer dans un modèle naturel en en faisant l’instinct de mort.
La répétition est un algorithme récursif
Références
Séminaire 2 : [page 241] Cette fonction [l’insistance répétitive] est à la racine même du langage […]
Séminaire 9 : [séance du 16/05/1962] […] cette fonction du signifiant […] même à répéter le même, le même d’être répété s’inscrit comme distinct.
Séminaire 11 : [page 59] La répétition demande du nouveau. Elle se tourne vers le ludique […]
Séminaire 14 : [séance du 23/11/1966] […] cette marque même s’efface au niveau de ce qu’elle a marqué […] c’est là pourquoi ce qui par la répétition est cherché, de par sa nature se dérobe […] la marque ne saurait se redoubler, qu’à effacer, sur ce qui est à répéter, la marque première […]
Séminaire 14 : [séance du 19/04/1967] […] l’objet petit a nous l’avons défini et imagé comme ce qui fait chute dans la structure, au niveau de l’acte le plus fondamental de l’existence du sujet, puisque c’est l’acte d’où le sujet comme tel s’engendre, à savoir la répétition. Le fait du signifiant, signifiant qu’il répète, voilà ce qui engendre le sujet […]
Séminaire 17 : [page 200] […] cette répétition qui insiste, et qui caractérise, s’il en est, la réalité psychique de l’être inscrit dans le langage.
Séminaire 18 : [séance du 13/01/1971] […] la répétition va contre le principe de plaisir […] L’hédonisme ne peut, à la lumière de l’expérience analytique, que rentrer dans ce qu’il est, à savoir un mythe philosophique […]