Lors de l’opération de division signifiante qui crée le sujet en tant qu’entité ternaire, le reste (au sens de la division en arithmétique entière) correspond au réel de l’existence du sujet, ce qui échappe à la représentation par le langage — alors que le quotient correspond au sujet barré, résultat attendu sur le plan du langage. Le reste réel de la division peut se nommer de trois façons non exclusives : l’être du sujet, l’objet petit a, ou bien l’élément signifié.
Le terme « objet petit a » est un groupe nominal insécable. L’objet petit a n’est pas le « petit autre », notation désignant notre semblable.
Part réelle du sujet
L’objet petit a est ce qui subsiste de la division — que l’on appelle aussi coupure ou castration — comme la part du sujet qui reste dans le réel, comme l’échec opiniâtre d’une division exacte qui ne pourra jamais arriver parce qu’elle provient d’une utopie. À plusieurs reprises au cours de son séminaire, Lacan cite ce proverbe [soi-disant vaudois] : « Rien n’est impossible à l’homme, ce qu’il ne peut pas faire, il le laisse », évoquant avec humour le reniement par le sujet barré (l’homme) de l’objet petit a, c’est-à-dire ce réel (impossible) que le sujet ne peut pas gérer avec le signifiant (le faire), et qu’il « laisse tomber » comme un « résidu » insaisissable (le laisse).
Fondamentalement, l’objet petit a ne « désigne » rien : il est « réel et non représenté ». Comme tout ce qui se situe dans l’ordre du réel, il a des effets de vérité prouvant effectivement sa présence. Il n’est pas un représentant. Il n’est pas un signifiant, sauf au titre de la polyvalence du signifiant.
L’objet petit a est simplement ce qu’il est.
Signifié
Nous définissons le signifié comme le réel marqué par le point de vue du possible. En posant cette définition, nous rompons les liens qui — dans l’approche traditionnelle — fabriquent du sens à l’aide de tables associatives entre le signifié et les signifiants. Dans notre modèle, le signifié qualifie ce réel qui a intrinsèquement du sens, mais dont on ne peut rien dire parce que — quoiqu’étant probablement advenu lors d’une étape de symbolisation fortuite — il a échappé à la représentation par un représentant.
Nous plaçons l’objet petit a dans la catégorie du signifié. En effet, puisque le petit a enferme la part réelle du sujet et puisque le réel est toujours impossible à écrire, nous relions l’objet petit a à l’attribut du possible (du signifié), c’est-à-dire à ce qui du réel aurait pu être associé à des signifiants en tant qu’éléments de la structure langagière.
Valeur intrinsèque du signifié
La valeur d’usage d’une chose est intrinsèque. C’est le cas de tout le signifié, et en particulier de l’objet petit a dont la valeur d’usage intrinsèque est indéniable.
Heureusement, la polyvalence du signifiant permet d’en parler, alors qu’il manque des valeurs d’échange pour y accéder systématiquement.
Valeur extrinsèque du signifiant
Un signifiant est un représentant. Il n’a aucune valeur d’usage intrinsèque, mais il détient des valeurs d’échange extrinsèques. Pour cette raison, le sujet barré acquiert des valeurs d’échange — et du même coup la capacité de se mouvoir dans l’inter-signifiance — en s’inscrivant dans l’ordre symbolique par suite de la division signifiante.
La barre qui sépare en linguistique le signifié du signifiant est ici la barre qui sépare la valeur d’usage de la valeur d’échange.
Valeur intrinsèque du signifié
Références
Séminaire 6 : [séance du 20/05/1959] […] de son réel [de l’homme], de lui en tant que réel, c’est-à-dire aussi bien de ce qui lui reste toujours le plus mystérieux.
Séminaire 7 : [page 324] […] l’évocation de ce qui est en effet de l’ordre de la loi, mais qui n’est développé dans aucune chaîne signifiante, dans rien.
Séminaire 13 : [séance du 05/01/1966] […] petit a est de l’ordre du réel.
Séminaire 13 : [séance du 09/02/1966] […] « je suis ce que je suis », ce qui veut dire : « tu n’en sauras rien quant à ma vérité » […] rien de représentable, mais comme le réel vu par transparence […] à savoir de ce petit a. C’est vrai qu’il est réel et non représenté, qu’il est là saisissable en quelque sorte par transparence, selon que nous-mêmes nous avons su organiser plus ou moins dans la rigueur signifiante le champ de l’Autre.
Séminaire 14 : [séance du 26/04/1967] [l’objet petit a] […] c’est un produit […] de l’opération du langage […] ce petit a, si je l’ai dénommé je ne l’ai pas inventé […]