Père réel, père imaginaire, père symbolique

Paternité et maternité

Chez les animaux, le statut de paternité n’existe pas ; par contre, le rôle de chef de meute « règne » de façon constante dans de nombreuses espèces animales. De même, dans la plupart des espèces animales, les facultés du maternage accomplissent efficacement la première mission d’élevage, mais elles disparaissent dès qu’elles ne sont plus nécessaires à la croissance. Les fonctions de chef de meute et de mère nourricière sont des exemples de comportements vitaux, apparaissant de façon purement instinctive, et se répétant de manière automatique et immuable au sein des espèces animales.

Chez les êtres humains, au-delà des traces instinctives, les notions de père, de mère, et d’enfant, ont une autre dimension : « ce sont des signifiants » représentant des sujets dans l’inter-signifiance. En tant que signifiants, ils sont gérés par les mécanismes langagiers de l’inconscient.

Comme éléments de l’ordre symbolique, ils peuvent être cités dans la littérature, encensés, oubliés, manipulés (donnant lieu aux grands-parents, beaux-parents, pères spirituels, etc.). De même, les concepts de paternité et de maternité, tels que les connaissent les sujets humains, perdurent constamment pendant toute la vie.

Les parents du sujet humain sont des signifiants

Parents du sujet humain

Références

Séminaire 3 : [page 201] La paternité comme la maternité ont une essence problématique — ce sont des termes qui ne se situent pas purement et simplement au niveau de l’expérience.

Séminaire 20 : [page 34] Les hommes, les femmes et les enfants, ce ne sont que des signifiants.

Les pères du sujet

Au fil des séminaires, Lacan fait souvent mention du père réel, du père imaginaire, et du père symbolique.

Cette distinction entre trois variantes du concept de paternité pour le sujet humain n’est pas un divertissement de vocabulaire. Elle apparaît parfaitement claire et cohérente lorsque l’on se reporte aux définitions des trois catégories du réel, du symbolique, et de l’imaginaire, ainsi que le montrent les interprétations que nous proposons ici.

Père réel

Le père réel désigne ce qui a causé la naissance : il y a eu un père dans le réel, puisque la naissance peut s’observer en tant qu’effet du réel. Biologiquement, c’est le spermatozoïde qui a fécondé l’ovule neuf mois plus tôt. Plus poétiquement, dans les sociétés primitives, les mythes ignorent la physiologie et attribuent magiquement le réel de la procréation à des esprits qui auraient investi le corps de la femme.

Pour le sujet, le père réel est ce qui existe sûrement, mais restera toujours opaque.

Père imaginaire

Le père imaginaire désigne celui qui est perçu comme père, qui en joue le rôle dans la vie quotidienne. Dans la famille, c’est la personne à qui l’on dit « papa ».

Pour le sujet, le père imaginaire est un élément de la perception ordinaire, occupant une place sociale conventionnelle.

Père symbolique

Le père symbolique est un signifiant.

Pour le sujet, le père symbolique désigne un signifiant représentant un père dont on parle, qui peut nous renier ou que l’on peut renier, un père qui connaissait notre signifiant d’enfant avant que l’on naisse et l’utilisait dans des chaînes signifiantes, un père dont on continuera à parler quand il sera mort — le « père mort » en tant que signifiant du père symbolique —, un père qui peut aussi être un père adoptif, un père spirituel, etc.

Le signifiant du père symbolique contient des représentations effectives du père réel (pour être là, il faut bien qu’il y ait eu un « géniteur »), ainsi que du père imaginaire (le concept de « paternité » inhérent à la vie en société), et prend impérativement appui sur elles.

Si l’on se réfère à la définition d’une structure comme un ensemble d’éléments et l’ensemble des relations qui les relient, la relation père-enfant appartient à la structure signifiante du langage. Elle associe des signifiants représentant des sujets : c’est une relation d’inter-signifiance. De même que tout élément de l’ordre symbolique, la relation père-enfant est manipulable dans l’inconscient avec d’autres signifiants et d’autres relations.

Étant donné que les relations humaines sont exclusivement des relations signifiantes, « le père symbolique est le seul vrai père » : on ne peut parler du père que lorsque le père symbolique ex-siste — et ce n’est pas toujours le cas.

Père réel, père imaginaire, père symbolique

Père réel, père imaginaire, père symbolique

Références

Écrits : [page 469] […] ce signifiant que représente la paternité […] dont le lien de la génération n’est qu’une part […] le vrai père, le père symbolique, est le père mort.

Séminaire 8 : [page 69] Le rapport le plus caché, et comme dit Freud le moins naturel, le plus purement symbolique, c’est le rapport du père au fils.

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