Sujet mythique de la première division

Le sujet antérieur n’ex-siste pas, il repose sur une hypothèse. Il n’a d’antériorité que pour désigner le sujet mythique de la première division. Le sujet antérieur évoque ce que le sujet aurait pu être s’il ne s’était pas trouvé — en tant qu’humain — aliéné au signifiant et déterminé par l’inconscient.

On découvre ici une formulation voisine de celle du concept freudien du « ça », considéré comme la source de ce qui constituerait l’essence d’un sujet originel. Mais l’analogie avec le « ça » freudien s’arrête là. Nous avons seulement besoin d’un principe virtuel d’antériorité, et nous ne sommes pas dans une perspective de psychologie du développement, ni dans une perspective biologique. D’ailleurs, la valeur modale du conditionnel passé (« aurait pu être ») nous affranchit d’une dimension temporelle qui sous-entendrait une évolution allant d’une instance du « ça » vers une instance du « moi », transformation qui n’a pas de sens dans l’opération uniquement langagière de la division.

Évidemment, le grand Autre réside toujours là et fournit le réseau du langage. Les signifiants qu’il associe entre eux sont aussi déjà là, certains représentant éventuellement le sujet avant sa naissance. La naissance correspond à un événement faisant éclore le sujet en tant que réel, c’est-à-dire le sujet antérieur qui est aussi l’infans précédant le langage, et qui est déjà virtuellement l’être du sujet. La première division résulte de l’effet du grand Autre en tant qu’opérateur. Ce moment donne à l’infans l’accès au langage (le « fort-da » freudien). Ensuite, le sujet barré, comme quotient de la division, se trouve aliéné au grand Autre et aux signifiants, ce qui lui donne définitivement accès à la pensée (le cogito), et lui procure les mécanismes langagiers de l’inconscient.

La première division s’articule à la façon d’un acte définitif de séparation (au sens d’une « coupure à coups de ciseaux ») dont l’effet est « l’engendrement » du sujet, c’est-à-dire son entrée dans la séparation (au sens du « se parer »), afin de mieux « se séparer » (au sens social) pendant le reste de sa vie.

Engendrement du sujet barré par la première division du sujet antérieur

Engendrement du sujet barré

Références

Séminaire 5 : [page 439] […] [le] sujet – barré ou non barré selon les cas, c’est-à-dire qu’il est marqué par l’effet du signifiant ou que nous le considérions simplement comme sujet encore indéterminé, non refendu par la Spaltung qui résulte de l’action du signifiant […]

Séminaire 6 : [séance du 20/05/1959] […] le S qui s’inscrit comme une lettre, mais aussi bien à ce niveau comme le Es de la formule topique que Freud donne du sujet : le ça […] Il est, à l’état naissant, en présence de l’articulation de l’Autre pour autant qu’elle lui répond […]

Séminaire 6 : [séance du 03/06/1959] […] nous sommes de ceux qui pensons que l’être est antérieur à la pensée […] ici dans notre travail d’analyste […] L’être nous dirons que c’est proprement le réel en tant qu’il se manifeste au niveau du symbolique […] pour autant que le réel est affirmé ou rejeté ou dénié dans le symbolique […] que la coupure le présentifie dans le symbolique.

Séminaire 6 : [séance du 03/06/1959] […] ce qui s’exprime est quelque chose qui est juste avant l’apparition du S barré, c’est-à-dire le moment où le S s’interroge par rapport à l’Autre en tant que présent ou absent.

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